dimanche 31 janvier 2010

Le redécoupage Marleix en Haute-Garonne

Du fait de sa très forte croissance démographique, la Haute-Garonne reçoit deux sièges supplémentaires. Le découpage y est, comme toujours, très délicat, du fait des contours tourmentés du département, et du très fort poids démographique de Toulouse, qui oblige encore la plupart de ses circonscriptions à passer par son agglomération.
1ere circonscription (Toulouse IV, V, XIII)
Le siège historique de Dominique Baudis est fortement remodelé. Le redécoupage écarte les cantons I et VII, et ajoute le treizième, moins la commune de Colomiers, ainsi que la portion toulousaine du canton XIV. Une configuration en dentelle qui rééquilibre le tout à droite, Colomiers étant le pôle de gauche d'un canton n'étant jamais passé à droite sous la Ve République. Le IV reste très partagé entre droite et gauche, et le V penche plutôt à droite, même s'il a élu un conseiller socialiste en 2008. En 2012, la députée PS sortante Catherine Lemorton aura fort affaire face au candidat UMP, qui pourrait être l'ancien maire Jean-Luc Moudenc. A moins que Dominique Baudis ne décide de revenir...
2e circonscription (Toulouse VI, VII, XV)
De l'ancienne circonscription, il reste les cantons de VI et XV, ainsi que celui de Montastruc-la-Conseillère. Le redécoupage leur adjoint Toulouse VII et la commune de Montrabé à la place du VIII et de Villemur-sur-Tarn. Ici, le rééquilibrage se situe à gauche, tous les cantons ayant un conseiller de gauche et penchant plutôt cette sensibilité, le canton VI n'ayant même jamais voté à droite depuis sa création en 1973. Le socialiste Gérard Bapt, ou son successeur, devrait facilement l'emporter sur l'UMP, qui pourrait être représentée par Danièle Damin.
3e circonscription (Toulouse II, VIII, IX)
Encore un secteur fortement redécoupé. L'ancienne 3e ne garde que les cantons de Toulouse IX et de Verfeil, et échange Castanet-Tolosan, Lanta et Toulouse X contre Toulouse II et VIII. De ce fait, cette circonscription très à gauche se droitise, notamment avec le deuxième canton de Toulouse, le seul du département à n'avoir jamais élu de conseiller de gauche sous la Ve République. Les trois autres penchent globalement à gauche (en orange sur la carte) mais Verfeil vote à droite depuis 1988, et les cantons VIII et IX n'ont retrouvé des conseillers socialistes que depuis respectivement 2001 et 2008. En 2012, l'enjeu ne sera pas cantonal mais municipal. Si le député-maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen, se représente, ce sera un test intéressant de confirmation, ou non, de sa fragile élection en 2008. Il pourrait retrouver Marie-Claire Danen sur sa route. A moins que l'UMP ne tente d'aligner un de ses poids-lourds nationaux.
4e circonscription (Toulouse I, III, XII)
L'ancienne 4e garde Toulouse III mais troque les cantons II et XI contre les I et XII. C'était jusque-là la seule du département à zaper au gré des vagues roses et bleues. Elle devrait conserver cette configuration très serrée. En effet, si la canton XII penche à gauche, le I préfère la droite. Quant au III, il reste très indécis. Cependant, la dynamique se situe plutôt à gauche. La députée socialiste sortante Martine Martinel est conseillère du secteur III et au jour d'aujourd'hui les trois cantons sont représentés par le PS. De plus, l'UMP est ici orpheline de l'ancien député (1993-1997 puis 2002-2007) Jean Diébold, décédé en 2007. C'est son ancien suppléant, Jean-Pierre Lloret, qui pourrait prendre la suite.
5e circonscription (Toulouse XIV)
Comprenant une grande partie rurale, au nord du département, cette circonscription se décale légèrement à l'Est. Elle perd également le canton de Toulouse XII et ne conserve que la fraction non toulousaine du XIV. Une opération qui devrait globalement renforcer la gauche. En effet, ce dernier ainsi que Fronton n'ont jamais élu de conseiller de droite depuis 1958 (en rouge sur la carte). Grenade penche moins à gauche et Villemur, représenté par la droite depuis 1994, semble plus fragile. Mais pas de quoi inquiéter la députée PS sortante Françoise Imbert, à qui l'UMP pourrait une nouvelle fois opposer l'ancien député Grégoire Carneiro.
6e circonscription (Colomiers, Tournefeuille)
C'est en quasi-totalité une nouvelle circonscription. Elle comprend deux communes isolées, Colomiers et Tournefeuille, reprend de l'ancienne 6e les cantons de Léguevin et Saint-Lys mais laisse tomber le Muretois au profit du canton de Cadours. Elle réunit donc de gros réservoirs de vote socialiste, le dernier conseiller de droite de ce secteur ayant été battu en 1982. Le PS pourrait donc faire élire un ticket formé par le maire de Colomiers Bernard Sicard et son homologue de Tournefeuille Claude Raynal. A droite, peu de personnalités semblent se dégager depuis le décès de l'ancienne députée Françoise de Veyrinas.
7e circonscription (Muret)
Il s'agit de la partie ouest de l'ancienne 7e, plus le canton de Muret. Un secteur penchant globalement à gauche, avec trois cantons (Carbonne, Cintegabelle et Montesquieu-Volvestre) auquel les ciseaux d'Alain Marleix ont accolé un canton penchant globalement à droite, celui de Muret (en bleu clair sur la carte). Cependant, cela ne pourrait se résumer qu'à un recentrage. Tous les cantons de cette nouvelle 7e sont représentés actuellement par le PS et surtout, Muret, le principal pôle démographique, a un maire socialiste. Pas de quoi inquiéter donc la députée PS sortante de la 6e, Monique Iborra. Elle pourrait se voir opposer Stéphane Mirc, maire UMP de Léguevin.
8e circonscription (Saint-Gaudens)
Cette circonscription reste inchangée
9e circonscription (Toulouse X, XI)
Entièrement nouvelle, cette circonscription comprend les cantons de Toulouse X et XI, une fraction du IX, et celui de Portet-sur-Garonne. Ces trois cantons complets n'ont jamais voté à droite sous la Ve République. Ce sera très certainement un fief de gauche, peut-être représenté par le maire socialiste de Portet Thierry Suaud. Son challenger à droite reste encore à trouver à ce jour.
10e circonscription (Villefranche-de-Lauragais)
Ce nouveau siège recouvre la partie Est de l'ancienne 7e, enrichie des cantons urbain et péri-urbain de Castanet-Tolosan et de Lanta. Elle comprend sept cantons, dont trois, Caraman, Montgiscard et Nailloux, n'ont jamais voté à droite depuis 1958 (en rouge sur la carte). Actuellement, seul le canyon de Revel n'a pas de conseiller de gauche. De quoi favoriser le député sortant de la 7e, Patrick Lemasle. A droite, l'UMP pourrait présenter le maire sans étiquette de Revel, Alain Chatillon. Il faudra aussi compter avec le maire centriste de Castanet, André Lafon.
A quoi faut-il s'attendre...
Le grand chelem réalisé en 2007 par le PS, avec huit sièges sur huit, ne devrait être qu'un souvenir en 2012. L'UMP pourrait récupérer entre une et trois circonscriptions sur dix. Elle part avec de sérieuses chances dans la 1ere, et, dans une bien moindre mesure, dans la 4e. Le basculement ou non de la 3e devrait fortement dépendre de la perception qu'auront ses électeurs du travail de Pierre Cohen à la tête de la municipalité toulousaine.
Emmanuel SAINT-BONNET

vendredi 1 janvier 2010

Le redécoupage Marleix dans le Gard

Le redécoupage Marleix a été retoqué au Sénat le 14 décembre. En attendant la suite, les Artisans-Politologues continuent l'analyse du texte originel.
Aujourd'hui: le Gard.
Département méridional en pleine expansion démographique, le Gard se voit adjoindre un sixième siège. Mais ce remodelage ne manquera pas d'être taxé de gerrymandering (d'Elbridge Gerry, gouverneur du Massachusetts au début du XIXe siècle, réputé pour avoir donné, à des fins électoralistes, des formes de salamandre aux circonscriptions de son Etat) par les détracteurs d'Alain Marleix, tant les contours des deux circonscriptions nîmoises sont tourmentées.
1ere circonscription (Nîmes-Sud)
De l'ancienne 1ere circonscription ne subsistent que les cantons de Nîmes I, III et VI et celui de La Vistrenque. Les ciseaux d'Alain Marleix lui ont rattaché celui de Beaucaire. Sur la carte, ce secteur comprend le seul canton du département n'étant jamais passé à gauche depuis sa création en 1982, La Vistrenque (en bleu). Ce dernier fait face à quatre cantons penchant plutôt à gauche sur la période 1958-2008 (en orange sur la carte). Cependant, Nîmes I vote à droite depuis 1988 et Beaucaire, la seconde ville du secteur, a échappé à la gauche en 1983. Le député Nouveau Centre sortant, Yvan Lachaud, ne devrait donc pas avoir trop de mal à conserver son siège. Face à lui, le PS pourrait investir le nouveau conseiller général de Beaucaire Juan-Antoine Martinez. Autrefois puissants ici, les communistes pourraient peser dans l'équation, de même que le Front national.

2e circonscription (Vauvert)

En perdant les cantons assez tangents de Beaucaire et Marguerittes, au profit de celui de Sommières, qui n'est jamais passé à droite sous la Ve République (en rouge sur la carte), cette circonscription se rééquilibre légèrement à gauche. Ici aussi, la carte, qui reprend l'évolution 1958-2008, est trompeuse et ne prend pas en compte les mutations sociologiques de ce secteur, en pleine "varisation". Le député UMP sortant, Etienne Mourrut, maire du Grau-du-Roi, peut également s'appuyer sur les deux plus gros réservoirs de vote de la circonscription, Saint-Gilles et Vauvert, deux villes de droite. La dernière fois que le PS a gagné ici, c'était en triangulaire avec le FN, en 1997. En 2002 Etienne Mourrut a gagné la triangulaire, et en 2007 il a remporté son duel contre le PS avec un rapport de près de 60-40, après avoir dépassé les 48 % au premier tour. Il n'est donc même pas sûr que le redécoupage amoindrisse ses réserves.

3e circonscription (Villeneuve-lès-Avignon)
Cette circonscription perd deux cantons globalement à gauche mais ayant un chef-lieu de droite: Pont-Saint-Esprit et Uzès. Ne subsistent que deux cantons ayant globalement voté à droite sous la Ve République, Aramon et Villeneuve-lès-Avignon, deux cantons de gauche, Bagnols-sur-Cèze et Remoulins, et un canton n'ayant jamais basculé à droite depuis 1958, Roquemaure. Cependant, le rapport de force est actuellement défavorable à la gauche, puisqu'elle ne détient que Bagnols et Remoulins. Dans cette vallée du Rhône en pleines mutations sociologiques, les législatives de 2012 pourraient voir s'affronter le député UMP sortant Jean-Marc Roubaud, maire de Villeneuve-lès-Avignon, l'un des fiefs de droite les plus solides du département, et son homologue socialiste de Bagnols-sur-Cèze, ville ouvrière ayant tendance à zapper depuis 1989, Jean-Christian Rey. Tous deux devront garder un oeil sur le FN, dans ce secteur où les triangulaires sont monnaies courantes.
4e circonscription (Alès-Est)
Les ciseaux d'Alain Marleix ont clairement ici écarté les cantons les plus dangereux pour le sortant UMP, Max Roustan. Bessèges, Génolhac et La Grand-Combe, qui ne sont jamais passés à droite sous la Ve République, rejoignent la nouvelle 5e circonscription. Plus au sud, le tracé reste le même que précédemment, laissant à la 5e circonscription ce corridor rouge allant des Cévennes au Vidourle. L'opération écarte surtout Patrick Malavieille, leader communiste ancré à La Grand-Combe, l'un des adversaires les plus sérieux de Max Roustan. Il devrait donc se retrouver au second tour face au PS, qui pourrait investir Chantal Vinot. A gauche, le conseiller écologiste de Saint-Chaptes, l'ancien communiste Christophe Cavard, pourrait aussi se présenter.
5e circonscription (Ales-Ouest)
Le dernier fief de gauche du Gard est renforcé par l'adjonction de Bessèges, Génolhac et La Grand-Combe, qui éclipse le départ de Sommières. Cependant, le député sortant, le socialiste William Dumas, devra composer avec Patrick Malavieille, maire de La Grand-Combe et ancien député PCF de la 4e circonscription. Le redécoupage, en apportant les anciens fiefs industriels du bassin minier cévenol, pourrait renforcer le vote communiste. De quoi placer en embuscade l'UMP Christophe Ruas, qui avait réalisé une bonne performance au premier tour en 2007.
6e circonscription (Nîmes-Nord)
Ce nouveau siège comprend les cantons II, IV et V de Nîmes, le canton péri-urbain de Marguerittes, et celui d'Uzès. La carte montre que la zone est particulièrement indécise: Nîmes II et IV penchent globalement à droite, Uzès et Marguerittes globalement à gauche, et Nîmes V, depuis sa création en 1973, a été détenu durant un nombre égal de mandats par la droite et la gauche. Les rapports de force sont cependant, à l'heure actuelle, en faveur de la droite, élue dans trois cantons sur cinq. En y ajoutant l'impact potentiel du FN, tout est donc possible dans cette nouvelle circonscription. A droite pourrait se présenter l'UMP Franck Proust, proche du sénateur-maire de Nîmes Jean-Paul Fournier, ou le maire divers droite d'Uzès Jean-Luc Chapon. Le PS peut entre autres présenter Bernard Casaurang, conseiller de Nîmes IV, ou son homologue d'Uzès Denis Bouad.
A quoi faut-il s'attendre...
La droite, qui détient actuellement quatre sièges sur cinq, devrait conserver entre trois et cinq sièges. Ses sortants sont très peu menacés dans les 1ere, 2e et 4e. Le jeu semble un peu plus ouvert dans la 3e et surtout la 6e. Si la droite remporte ces deux derniers sièges, le scénario le plus noir pour le PS serait alors la perte de la 5e, au profit cette fois du PCF.
Emmanuel SAINT-BONNET