dimanche 26 juillet 2009

Le redécoupage Marleix dans l'Allier

Durant tout l'été, les Artisans-Politologues publient une série de posts sur le projet de redécoupage électoral, département par département
Pour des raisons démographiques, l'Allier, qui comptait quatre circonscriptions depuis 1958, en perd une lors de ce redécoupage. L'opposition conteste fortement ces coups de ciseaux d'Alain Marleix, auxquels la commission consultative ne trouve rien à redire, et qui va consister en un recentrage géographique autour des trois grandes villes du département.
1ere circonscription (Moulins)
L'ancienne 1ere circonscription englobait la préfecture Moulins et le Nord-Est du département. La nouvelle devrait en reprendre la majorité des cantons, ainsi qu'une grande partie de ceux de l'ancienne 3e circonscription, qui était la plus rurale des quatre. Les anciennes 1ere et 3e avaient la particularité d'être repassées à droite en 2002, avant de basculer à nouveau à gauche lors des législatives de 2007.
Sur la carte ci-dessus, la droite part avec un avantage. Sur les 13 cantons de cette nouvelle circonscription, huit penchent vers elles (en bleu clair), dont les deux de Moulins, celui d'Yzeure restant plutôt attaché à la gauche (en orange). De plus, tous les cantons écartés penchent au minimum à gauche.
Cependant, ce genre de carte, qui s'appuit sur les résultats des cantonales entre 1958 et 2008, doit être lu avec moult précautions concernant un département qui zappe régulièrement entre communistes et modérés depuis 1979.
Ainsi, si le canton de Chevagnes est indiqué favorable à la droite, c'est celui qui a fait basculer le conseil général à quelques semaines des cantonales de 2008, en élisant un conseiller communiste. Même chose pour celui de Souvigny, fief de droite depuis 1967 mais représenté par le PCF depuis 1998.
De plus, le secteur est réputé pour élire des députés avec une majorité étriquée au second tour. Dans la 1ere, Pierre-André Périssol (RPR puis UMP) a obtenu 50,73 et 50,12 % des suffrages exprimés en 1993 et 2002. Dans la 3e, le divers droite Yves Simon a rassemblé 50,72 % en 2002, et le socialiste Jean Mallot 50,80 en 2007.
L'élection de 2012 se jouera vraisemblablement sur des questions de personnalité. Le PS choisira-t-il son étoile montante Jean Mallot ou jouera-t-il la sécurité avec Guy Chambefort, plus ancien mais réputé imbattable? L'UMP investira-t-elle Yves Simon, un homme relativement neuf mais fragilisé, ou fera-t-elle confiance au maire de Moulins Pierre-André Périssol pour un troisième retour espéré comme gagnant?
A l'heure où nous écrivons ces lignes, toutes les hypothèse peuvent être envisagées, de l'émergence de nouvelles candidatures à une foire d'empoigne qui laissera des traces. Les rapports de force qui surgiront des urnes lors des régionales de 2010 et des cantonales de 2011 seront sans doute déterminants.
2e circonscription (Montluçon)
En lui accolant les quatre cantons de l'Ouest de l'ancienne 3e circonscription, Alain Marleix a sans doute voulu rééquilibrer à droite la 2e, qui n'élit que des députés de gauche depuis 1997. Le bassin de Montluçon, gros réservoir de votes communistes, sera ainsi contrebalancé par un électorat rural, dont celui du canton de Cérilly. S'il est classé relativement à gauche, c'est tout de même le fief incontesté de l'UMP Gérard Dériot, président du conseil général de 1992 à 1998, puis de 2001 à 2008. Un apport qui pourrait faire l'affaire de Daniel Dugléry, maire UMP de Montluçon depuis 2001, qui n'a encore jamais réussi à se faire élire dans cette circonscription.
A gauche, tout dépendra des rapports de force entre le PS et le PCF. Si ce dernier a repris le conseil général en 2008, il s'est fait souffler, un an auparavant, cette circonscription par le socialiste Daniel Lesterlin.
Sur le papier, la gauche part avec un avantage évident. Le secteur compte huit cantons traditionnellement de gauche contre trois de droite. Cependant cette dernière a beaucoup progressé depuis 2001, année où elle a privé le PCF et le PS d'importants points d'appui, municipal à Montluçon et cantonal à Commentry.
3e circonscription (Vichy)
L'ancienne 4e circonscription gagne ici trois cantons, tous de tradition de gauche, dont Jaligny-sur-Besbre, qui n'a élu que des socialistes depuis 1958 (en rouge sur la carte). Ce qui pourrait déséquilibrer définitivement ce secteur plutôt modéré, qui envoie depuis 1997 à l'Assemblée le radical de gauche Gérard Charasse.
Car si l'ancienne 4e vote à droite lors des consultations nationales (56,01 % pour Jacques Chirac au second tour de la présidentielle de 1995, 55,25 % pour Nicolas Sarkozy en 2007), elle choisit la gauche lors des législatives. Claude Malhuret, le brillant maire UDF puis UMP de Vichy, n'a jamais pu s'imposer hors de sa ville, dans ces campagnes où les communistes sont moins puissants qu'ailleurs dans le département. La tradition radicale demeure vivace dans certains cantons: Le Donjon de 1982 à 2008, Lapalisse depuis 2001, Cusset-Sud depuis 1998.
Face à Gérard Charasse, l'UMP pourrait être tentée de provoquer un duel entre radicaux, en investissant le très médiatique avocat valoisien Gilbert Collard, candidat aux municipales depuis 2001 contre... Claude Malhuret. Ce qui, inévitablement, laissera des traces...
A quoi faut-il s'attendre...
La seule certitude... c'est qu'il n'y en a aucune... La géopolitique de l'Allier se trouvant en pleins bouleversements (deux changements de majorité au conseil général en dix ans, des législatives de 2007 à rebours du contexte national), le redécoupage Marleix pourrait accentuer ceux-ci comme il pourrait stabiliser les fronts. S'il est trop tôt pour faire des pronostics le Big Bang attendu dans la 1ere circonscription, la gauche part globalement avec un léger avantage dans la 2e et semble plus sûre dans la 3e.

Emmanuel SAINT-BONNET

samedi 18 juillet 2009

Le redécoupage Marleix dans l'Ain

Durant tout l'été, les Artisans-Politologues publient une série de posts sur le projet de redécoupage électoral, département par département
Le redécoupage de l'Ain était notamment motivé par l'augmentation de la population dans le sud-ouest du département, sous la pression de l'agglomération lyonnaise. Les ciseaux d'Alain Marleix ont créé un cinquième siège, la future 2e circonscription, qui s'étendra de Lagnieu à Trévoux, et modifiera quelque peu le découpage législatif.
1ere circonscription (Bourg-en-Bresse)
La modification va s'effectuer à la marge, l'actuelle 1ere circonscription perdant Péronnas, dans la zone péri-urbaine de la préfecture Bourg-en-Bresse, mais récupérant Pont-de-Vaux, un canton davantage soumis à l'influence électorale de la Bourgogne et du Beaujolais.
Ces deux cantons sont actuellement à droite, et penchent plutôt en faveur de cette mouvance depuis 1958 (en bleu clair sur la carte).
La gauche, qui a détenu cette circonscription entre 1997 et 2002, ne devrait pas a priori perdre ses chances de reconquête. Lors des législatives de 2007, le candidat UMP Xavier Breton l'avait emporté au second tour avec 53,66 % sur le socialiste Jean-François Débat. Depuis, ce dernier est devenu maire de Bourg-en-Bresse, et cette circonscription élit chaque fois, depuis 1988, le maire de la préfecture lorsqu'il se présente, mais la perte de Péronnas pourrait priver la gauche d'une partie de son électorat péri-urbain.
2e circonscription (Trévoux)
Elle sera formée des cantons du sud des actuelles 2e et 4e circonscriptions. L'objectif semble ici clairement de contrebalancer l'influence de la gauche, de plus en plus forte dans les cantons où déborde l'agglomération lyonnaise, avec ceux de l'amont de la vallée du Rhône, bien plus conservateurs.
Ainsi, depuis 1958, Lagnieu et Meximieux n'ont-il jamais élu de conseiller de gauche (en bleu foncé sur la carte). Jusqu'à présent, ces deux cantons verrouillaient le sud de la 2e circonscription au profit de la droite.
En aval de la vallée du Rhône, la situation politique s'avère moins claire. Si Montluel penche à gauche, c'est le cas aussi de Reyrieux, mais ce dernier canton est à droite depuis 2001. Trévoux, représenté par la gauche depuis 1998, est cependant légèrement dominé par la droite sur la période 1958-2008. Quant à Miribel, s'il a voté à droite depuis sa création en 1982, il envoie depuis 1998 un conseiller de gauche dans l'hémicycle départemental.
Bref, si la majorité actuelle semble avoir fait le maximum pour s'assurer le contrôle de cette circonscription, il n'est pas certain qu'elle réussisse. Ses chances reposent sur Charles de la Verpillière, député sortant de la 2e. Les prochaines législatives pourraient voir s'opposer cet élu de Lagnieu, ancien président du conseil général, au maire divers gauche de Miribel Jacques Berthou, élu sénateur en 2008.
3e circonscription (Ferney-Voltaire)
L'ancienne circonscription de Charles Millon a longtemps été un secteur solide pour la droite. L'ancien président (UDF) du conseil régional, élu depuis 1978, l'a emporté dès le premier tour en 1988 et 1993. Si la vague rose de 1997 a provoqué un ballottage, ceux de 2002 et 2007 étaient moins attendus.
Le dernier doit cependant être relativisé, Etienne Blanc, successeur UMP de Charles Millon, ayant obtenu 49,99 % des bulletins exprimés au premier tour.
Alain Marleix a donc décider d'écarter les cantons de Brénod, Champagne, Hauteville, Lhuis, et Saint-Rambert, réputés moins stables, et surtout le frondeur Virieu-le-Grand, le seul du département à n'avoir jamais élu de conseiller de droite depuis 1958 (en rouge sur la carte).
La nouvelle circonscription sera donc formée d'un étroit couloir allant de Belley, ancien fief de Charles Millon, à Gex, où la sociologie est largement favorable à la droite, en passant par la ville de droite (depuis 2001) Bellegarde-sur-Valserine.
4e circonscription (Péronnas)
La nouvelle 4e circonscription sera découpée sur l'ancienne, un secteur modéré et conservateur qui élit depuis 1988 l'UMP (ex-UDF) Michel Voisin.
A première vue, le départ de Miribel, Trévoux et Reyrieux devrait couper la gauche locale de gros réservoirs de vote. L'adjonction de Péronnas devrait atténuer l'aspect rural de cette circonscription.
Toutefois, à l'examen de la carte, on s'aperçoit que droite et gauche sont presque à égalité, puisque quatre cantons sur huit tendent plutôt à gauche depuis 1958 (en orange sur la carte). La dynamique est d'ailleurs davantage en faveur de la gauche depuis les cantonales de 1998. Cependant, parmi les quatre cantons de droite, celui de Pont-de-Veyle n'a jamais élu de conseiller de gauche depuis 1958.
Comme dans la 2e circonscription, les équilibres futurs reposeront sans doute sur les personnalités locales en lice, alors que Michel Voisin est à présent le député le plus ancien, en nombre de mandats, du département.
5e circonscription (Oyonnax)
Elle devrait être bâtie à cheval sur les anciennes 2e et 3e circonscription, et en reprendre les cantons écartés.
A priori elle penchera fortement à droite car elle recouvrirait le bassin d'Oyonnax, l'un des plus peuplés du département, dont les deux cantons ne sont jamais passés à gauche depuis 1958. Sur les douze cantons de cette nouvelle circonscription, seuls quatre penchent vraiment à gauche. Cependant, cette dernière a bien progressé dans le sud de cette zone depuis 2001.
Les législatives de 2012 pourraient voir s'affronter deux femmes, Josyane Esposito, nouvelle maire socialiste d'Ambérieu-en-Bugey, et Sylvie Goy-Chavent, candidate malheureuse de l'UMP aux sénatoriales de 2008 et élue dans le canton de Poncin. Avec en embuscade le maire divers droite d'Oyonnax Michel Perraud et le FN, toujours assez présent dans le secteur.
A quoi faut-il s'attendre...
Sauf raz-de-marée de gauche aux législatives de 2012, ou triangulaire fratricide dans la 5e, la droite devrait conserver la majorité des sièges, quand bien même elle l'a perdue au conseil général et au conseil municipal de Bourg-en-Bresse en 2008. L'opposition semble relativement bien placée pour gagner les 1ere et 2e ou 4e circonscriptions, si l'usure du pouvoir atteint Michel Voisin, ou si la droite rate sa succession.
Emmanuel SAINT-BONNET

mardi 7 juillet 2009

Réflexe légitimiste à Hénin-Beaumont

Avec 528 voix d’avance, le candidat divers gauche Daniel Duquenne a remporté le second tour de la municipale partielle, qui l’opposait dimanche 5 juillet au FN Steeve Briois. En choisissant cet ancien directeur des services de la mairie, opposé à la politique du maire déchu, l’ancien socialiste Gérard Dalongeville, les électeurs de cette ville du Pas-de-Calais, dans la grande banlieue de Lille, ont joué la carte d’une certaine légitimité, face à l’extrême-droite. Daniel Duquenne présentait également l’avantage de ne pas avoir été associé à la gestion de l’équipe précédente, enfoncée dans les difficultés financières et surtout judiciaires.
Ce facteur, davantage que l’accroissement de la participation entre les deux tours (de 60,15 à 62,37 %), a joué en faveur de la liste de l’Alliance républicaine. Davantage aussi sans doute que la stratégie, toujours aléatoire, du front républicain. Daniel Duquenne a en effet bénéficié du retrait sans fusion des autres listes de gauche, ainsi que du soutien de l’UMP, dont le candidat n’avait même pas atteint la barre des 5 % au premier tour. La lecture des résultats en nombre de voix est à cet égard bien plus parlante que les pourcentages.
Au premier tour, Daniel Duquenne avait attiré 2302 voix (http://une-ville-exsangue-henin-beaumont.kazeo.com/Municipales-2009,r203653.html). La liste FN de Steeve Briois en rassemblait de son côté 4485. Si on retranche ce dernier résultat au nombre total d’exprimés du premier tour, on obtient 6917 voix.
Or, Daniel Duquenne n’en obtient au second tour que 6108 devant les 5450 de Steeve Briois (http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2009/07/06/article_la-formidable-revanche-de-daniel-duquenn.shtml).
Car entre les deux tours, si 430 voix personnes supplémentaires se sont déplacées (12 059 contre 11 629), seules 158 d’entre elles se sont exprimées. On passe de 227 bulletins blancs ou nuls à 501.
Parmi eux, en dehors des abstentionnistes du premier tour, sans doute des électeurs socialistes frustrés par le retrait de la liste de Pierre Ferrari. Egalement aussi des partisans de droite, tout aussi frustrés de l’élimination de la liste UMP de Nesredine Ramdani, et préférant renvoyer dos à dos MM Duquenne et Briois.
D’autres ont sans doute préférer voter sans état d’âme pour le FN. Car si la participation s’accroît entre les deux tours de 430 bulletins, la liste Briois en gagne 965. A comparer aux 835 suffrages totalisés par les trois listes classées à droite.
Il ne serait pas étonnant d’ailleurs qu’à droite, les moins enclins à voter FN soient issus des milieux économiques. Du moins si l’on en croit les réactions recueillis par différent media chez les commerçants soulignant qu’un maire FN, « ce ne serait pas bon pour les affaires ». A cet égard, l’extrême-droite peut elle aussi être, dans les urnes, victime de la crise économique, malgré certains lieux communs tenaces sur le vote FN.
Malgré sa défaite, le Front national gagne donc des voix, contrairement au Front républicain qui en perd, en dépit de l’accroissement de la participation, et en dépit aussi de ce qu’affirme Jean-Pierre Raffarin sur le site du Nouvel Observateur.
L’Alliance républicaine, comme le FN, en ont pris conscience. Le futur maire Daniel Duquenne n’a pas caché qu’«il faudra reconquérir certains secteurs » de la commune. D’ailleurs, sur 18 bureaux, quatre ont placé Steeve Briois en tête. Et, désormais, le FN fera figure de seule alternative municipale jusqu’en 2014. A moins que…
De l’autre côté de l’échiquier, Marine Le Pen, deuxième sur la liste FN, maintient la pression. Le faible écart de voix avec la liste de Daniel Duquenne, ainsi que certaines déclarations de ce dernier entre les deux tours, l’ont incitée à déposer un recours en annulation du scrutin.
La fille de Jean-Marie Le Pen compte toujours, toutes proportions gardées et dans un contexte différent, rééditer le coup de Vitrolles, lorsque Bruno Mégret, en 1997, s’était finalement imposé après un premier échec de justesse.
Faire passer cette défaite pour une victoire personnelle reste dans son intérêt, dans la course à la succession à la tête du FN, sur fond de déconfiture électorale.
C’est l’une des conséquences de ce scrutin, dont les répercussions dépassent largement le cadre local.
Emmanuel SAINT-BONNET