lundi 9 août 2010

Le redécoupage Marleix en Lozère

Véritable symbole des déséquilibres démographiques pouvant justifier un redécoupage législatif, la Lozère, le département le moins peuplé de la métropole, se retrouve donc avec une circonscription unique, née de la fusion des deux prééxistantes. Ces dernières, il est vrai, abritaient moins d'électeurs que certains cantons dans des "gros" départements.
Circonscription unique
Sur le papier, ce siège est promis à la droite. La carte des tendances depuis 1958 (ci-contre) montre du bleu presque partout, sauf sur les quatre cantons cévenols du coin sud-est, qui d'ailleurs affichent un rouge révélant qu'ils n'ont jamais basculé à droite sous la Ve République. La situation actuelle s'avère moins clivée. Au conseil général, la gauche a débordé à l'ouest vers la vallée du Tarn et surtout au nord en direction des villes de Mende et Langogne. Pour conserver ce siège de député, la majorité devra prendre en compte au moins deux facteurs. D'abord ces deux communes, qui ont basculé à gauche lors des municipales de 2008, pourraient devenir des réservoirs de suffrages pour l'opposition. Elles se trouvaient dans l'ancienne 1ere circonscription, conquise à la surprise générale par le PS en 1997. Ensuite la disparition de l'ancien maire centriste de Mende Jean-Jacques Delmas, en 2010, posera la question de l'attitude de l'électorat du centre, relativement important sur cette terre catholique, qui n'est pas à l'abri d'un réalignement à la bretonne (sanction contre les centristes de l'UMP par un vote à gauche au second tour). A cet égard, les cantonales de 2011 seront cruciales pour l'UMP, qui mécaniquement perd un siège. Le département est en effet plus facile à tenir par deux députés, que par un seul, davantage exposé aux basculements. Le parti majoritaire devra surtout choisir qui des deux sortants investir: Francis Saint-Léger ou Pierre Morel? La solution pourrait être d'exfiltrer l'un des deux vers le Sénat en septembre 2011. L'opération sera très peu risquée (à moins d'une surprise comme dans le Cantal en 2008) mais elle supposera le retrait du puissant Jacques Blanc, véritable champion de la survie politique. Au PS, où l'on ne manquera pas d'observer ces opérations avec une certaine gourmandise, le choix pourrait se porter sur le maire de Langogne Guy Malaval, le conseiller du même canton Gérard Souchon, ou Dominique Aulas, opposante locale à Jacques Blanc. A moins que cette circonscription ne soit réservée à un allié, comme le conseiller général radical de Florac Alain Argilier, ou simplement le maire divers gauche de Mende Alain Bertrand.
A quoi faut-il s'attendre...
Pas mal de projecteurs devraient être braqués sur la Lozère en 2012. Ce scrutin apportera quelques éléments de réponse à cette question: les derniers succès locaux de la gauche sont-ils conjoncturels ou le signe avant-coureur d'un réalignement de l'électorat lozérien, comme une réponse au phénomène de varisation (glissement à droite de secteurs acquis de longue date à la gauche) constaté dans le sud du Languedoc-Roussillon?
Emmanuel SAINT-BONNET

3 commentaires:

Toshiba Samir Mashouka a dit…

Non, le fait que la gauche se revigore n'est pas conjoncturelle dans ce département.

La droite est très présente au nord du fait d'une forte tradition catholique, que l'on rencontre dans le cantal et la haute-loire voisine, qui présentent des caractérisitques électorales similaires.
Mais cette droite, qui a longtemps été de tendance gaulliste, ne fait pas trop mauvais ménage avec la gauche, si bien que le département a pu élire, durant la 4ème et la 5ème république un député apparenté communiste, du nom de Gilbert de Chambrun.

Mais la gauche présente au sud-est n'est pas n'importe quelle gauche, et est indélogeable. Il s'agit d'une gauche très peu socialiste. La géographie des votes aux élections cantonales et municipale, montre un PCF très fort et de nombreuses municipalités tenues par des divers gauche et des radicaux. Il s'agit aussi des Cévennes, une terre de rébellion fréquente, et à forte dominante protestante. Le vote massif en faveur de la gauche est paradoxalement peu influencé par la culture marxiste ou ouvrière. Le département n'est presque pas industrialisé, contrairement à d'autres régions très marquées par le marxisme et le socialisme comme le Limousin. Le vote de gauche, est plutôt la conséquence d'un fort attachement des cévenols aux valeurs républicaines et à la laïcité, hérité de la révolution française, et de la crainte de voir en l'église catholique, l'alliance du trône et de l'autel. Cet attachement se retrouve fréqeuemment chez les protestants français. Le sud des deux-sèvres, très protestant lui aussi , possède, comme le sud Lozère et le Nord Gard, de nombreuses communes affichant des résultats de vote aux présidentielles de plus de 60% pour les candidats de gauche au second tour, et de plus de 90 % pour Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002.
Ces bastions "républicains" ne tomberont sûrement pas à droite en 2012 pourraient même renforcer la gauche, vu que l'UMP a tendance à devenir moins républicaine. Et comme il s'agit d'une région peu industrialisée, donc qui fait peu l'objet de délocalisation, plan sociaux, et d'accroissement du chômage, le vote de gauche a peu de chances de se transformer en un vote en faveur du front national.

Julien B. a dit…

Le problème, pour la droite comme pour la gauche, sera de trouver un candidat susceptible de représenter tout le département qui est étendu et assez divers, comme vous le montrez partiellement avec la particularité politico-religieuse des Cévennes.

La droite catholique que cite Toshiba Samir Mashouka est moins gaulliste que démocrate chrétienne, surtout en Haute-Loire avec Jacques Barrot et Jean Proriol, deux ex UDF.

Toshiba Samir Mashouka a dit…

Je rectifie mes dires. Quand je disais gaulliste, c'était dans le sens 4ème république du terme. C'est que la Lozère a été une terre où les politiques était plus du côté de la résistance que Vichy, y compris ceux de droite. Le temps aidant, la droite locale pour résumer "s'est mise dans le sens du vent" en devenant UMP sarkozyste ou Nouveau Centre.

Etant donné la forte différence culturelle entre le nord et le sud lozère, les résultats pourront être très surprenant, et il est à ce jour très difficile de les pronostiquer.

Pour ma part, je pense qu'un député de gauche modéré peut avoir des chances de remporter les législatives, avec un écart faible :
- ce département est victime, plus que d'autres, de fermetures de services publics jugés non rentables en milieu rural
- les mobilisations pour la défense du rail lozérien, dont la fermeture a pu être évoquée par des instances gouvernementales, a suscité de vives mobilisations, même chez les élus de droite
- Mende et Langogne sont tenues par la gauche, et leurs maires ont organisés la votation citoyenne pour la poste, votation qui n'a pas été mal accueillie par la population
- la liste de gauche avait la majorité absolue au second tour des régionales pour le département
- la réforme des collectivités territoriales risquant d'impacter fortement ce département, son rejet par les élus locaux pourrait jouer en faveur de la gauche.