mercredi 15 avril 2009

Marleix rosit les marges rouges du Massif Central

Publiée samedi 11 avril dans le Monde, la première esquisse du redécoupage des circonscriptions législatives, conduit par le secrétaire d’Etat aux Collectivités locales Alain Marleix (http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/04/11/redecoupage-electoral-la-gauche-penalisee_1179604_823448.html) tend, à première vue, à défavoriser la gauche.
Les principaux responsables de l’opposition n’ont d’ailleurs pas manqué de le souligner, tel le député (soc, rad et cit.) du Doubs Pierre Moscovici, qui a dénoncé le lendemain sur Europe 1 un « tripatouillage » (http://www.europe1.fr/Info/Actualite-France/Politique/Redecoupage-electoral-Moscovici-denonce-un-tripatouillage/(gid)/216184).
De son côté, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel, s’est voulu rassurant mardi 14 en promettant que « rien ne se fera en catimini » (http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5j--3euR7agHi6EeU0A5QOexizzgg).
Sur la carte présentée par Le Monde daté des 12-13 avril, les 33 circonscriptions qui pourraient disparaître se situent aux deux tiers dans des fiefs de gauche. Il est d’ailleurs troublant de constater qu’elle recouvre en grande partie des départements ayant majoritairement choisi Ségolène Royal en 2007.
Cependant, mis à part quelques fusions entre circonscriptions (Charente, Creuse, Lozère, Nord, Saône-et-Loire, Deux-Sèvres, Tarn), ce document reste très vague sur les modalités de redécoupage.
Car supprimer un siège de gauche est une chose, modifier les contours d’une circonscription pour isoler ou ventiler tel ou tel électorat en est une autre.
Alors, la gauche crie-t-elle « plus qu’elle n’a mal », comme l’affirme un spécialiste de la carte électorale de l’UMP cité par Le Monde ?
Si les informations manquent pour effectuer une réelle projection géopolitique de cette carte, il est pourtant possible de dégager une première grande tendance.
Si l’on examine la carte, on s’aperçoit que plus de la moitié des circonscriptions supprimées ou fusionnées se situent dans le Massif Central, ou sur ce qu’on appelle ses marges rouges, où subsistent quelques vestiges d’un communisme rural autrefois vivifié par la Résistance, notamment dans le Limousin.
Le PCF ne détient plus aucun siège dans ce secteur, mis à part la 5e circonscription du Puy-de-Dôme, qui pourrait passer aux mains des socialistes si la suppression de la 2e, envisagée sur la carte publiée par le Monde, modifiait ses contours.
Ailleurs les communistes fournissent un appréciable réservoir de suffrages au PS au deuxième tour, notamment dans la 1ere circonscription de l’Indre. On pourrait imaginer que sa suppression entraînerait le départ du canton d’Ardentes, communiste jusqu’en 2008, vers la 2e, solidement tenue par l’UMP Nicolas Forissier, où il serait noyé dans l’électorat de droite.
Autre exemple, la 4e de la Charente qui, à en croire le document du Monde, fusionnerait avec la 1ere. Ce serait ainsi faire disparaître un bastion de gauche limitrophe du Limousin, qui n’a jamais élu de député de droite depuis qu’il existe, en le rattachant à un secteur à gauche depuis moins longtemps, abritant quelques cantons ruraux ancrés à droite.
En revanche, l’UMP ferait une mauvaise affaire dans le Limousin si ce redécoupage devait être effectué.
La disparition du dernier bastion chiraquien en Corrèze, la 3e circonscription, sonnerait le glas de la droite dans ce département, après les vagues roses des municipales et des cantonales de 2008.
La fusion des deux circonscriptions de la Creuse, l’une à l’UMP et l’autre au PS, devrait favoriser ce dernier, qui détient tous les leviers locaux dans ce département où l’électorat a tendance, ces dernières années, à faire payer à la droite la disparition progressive de ses derniers services publics.
Enfin, la disparition de la 1ere de la Haute-Vienne, même si elle est détenue aujourd’hui par le PS, priverait sans doute l’UMP locale de la possibilité d’envoyer l’un des siens à l’Assemblée. Ce secteur abrite les quelques rares bastions de droite de l’agglomération de Limoges, et a surtout tendance à basculer à droite à chaque vague bleue, comme en 1993 et 2002, au profit d’Alain Marsaud.
Plus au sud, il n’est même pas sûr que la droite parvienne à conserver son bastion de la Lozère, où les deux circonscriptions pourraient fusionner. La création du MODEM et le basculement à gauche de Mende et de Langogne en 2008, deux villes au poids démographique non négligeable, pourraient changer la donne. En 1997, le PS avait emporté la 1ere circonscription à la surprise générale.
Donc, loin de favoriser la droite, cet éventuel redécoupage pourrait rosir durablement ces marges rouges du Massif Central.
Les détracteurs de M. Marleix ne manqueront sans doute pas de constater que son fief du Cantal ne figure pas parmi les départements « charcutés », bien qu’il se trouve dans cette zone.
Le secrétaire d’Etat a d’ailleurs réfuté, lundi 13 sur le site du Journal du Dimanche (http://www.lejdd.fr/cmc/politique/200916/polemique-sur-la-carte-electorale_201843.html), la carte du Monde.
Ce qui est en revanche certain, c’est que la gauche verra son réservoir électoral lissé, la nouvelle loi électorale fixant le nombre total de sièges à 577, comme aujourd’hui, par la création de quatorze nouveaux sièges hors du territoire métropolitain, tous ou presque dans des territoires peu sensibles à ses thèses : Mayotte, la Polynésie, Saint-Barthélémy – Saint-Martin, et surtout chez les Français de l’étranger, qui seront divisés en onze circonscriptions.
Jusqu’à présent, ces derniers n’élisaient, par tiers, que des sénateurs. La lecture des résultats des trois dernières consultations (2001, 2004 et 2008) est à cet égard intéressante : la gauche n’a obtenu respectivement que 32,62, 31,08 et 31,13 %.
Emmanuel SAINT-BONNET

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