mardi 22 mars 2011

La géographie électorale de Marine Le Pen

La poussée du FN constatée lors de ce premier tour des cantonales permet d'esquisser la géographie de l'électorat de Marine Le Pen.
Ayant émergé à Hénin-Beaumont, terreau de grandes difficultés sociales, Marine Le Pen s'appuie souvent sur des cadres renouvelés, et adopte un discours davantage républicain et laïciste, avec quelques concessions sociétales (sur la loi Veil par exemple), là où son père Jean-Marie représentait une extrême-droite plus "classique".
Comment ce vote est-il spatialisé?
Sur notre carte, nous avons représenté, par département, le pourcentage de seconds tours avec le FN, ramené au nombre de cantons restant à pourvoir.
A première vue, elle épouse les contours de la carte du premier tour de la présidentielle de 2002. Dans de nombreux départements, le FN a d'ailleurs obtenu, en suffrages exprimés, à peu près le même niveau que le total Le Pen - Mégret lors de ce scrutin.
Le quart nord-est continue d'afficher son penchant pour l'extrême-droite, mais affiche cependant un ventre mou, des Ardennes au Jura, où le FN est présent dans moins du quart des seconds tours. Le secteur est moins peuplé et moins sujet à la péri-urbanisation, ce qui laisse supposer que l'électorat de Marine Le Pen est davantage urbain.
Ce constat semble confirmé par un véritable "encapsulage" de l'agglomération parisienne. Si les candidats FN se maintiennent dans les périphéries conservatrices de l'Oise et du Loiret, ils sont aussi présents dans les zones en pleines mutations sociologiques de l'Ile-de-France, comme la Seine-et-Marne et l'Essonne, ou ses franges normandes (Eure), où campagnes et zone péri-urbaines voisinent. La présence plus faible du FN en Seine-Saint-Denis montre que son implantation reste en halo autour des cités populaires. Il effectue cependant une percée dans le Val-de-Marne (32 % des seconds tours), département où la droite, davantage présente, a sans doute subi un "siphonnage".
Véritable surprise dans ce quart nord-est: les 50 % de second tour dans la Nièvre, département pauvre et de gauche, ce qui laisse ici aussi supposer que Marine Le Pen rencontre davantage d'écho que son père dans les zones les plus fragilisées.
Urbanisation et classes populaires semble aussi être un bon terreau d'extrême-droite dans la région Rhône-Alpes. Alors que le FN perçait régulièrement dans la Drôme, il n'est pour ce second tour présent que dans 13 % des cantons restant à pourvoir. En revanche il se maintient dans près de la moitié des circonscriptions de l'Isère et du Rhône, et plus du quart de celles de la Loire. Le contraste des deux Savoies est aussi troublant. Il essuie un relatif échec en Haute-Savoie mais reste en lice dans le tiers des cantons à pourvoir de la Savoie, où le niveau de vie est plus bas.
Le pourtour méditerranéen affiche toujours une bonne implantation du FN. Si les 86 % de seconds tours dans les Bouches-du-Rhône sont sans doute en partie dus aux soucis actuels de la majorité socialiste du conseil général, le reste est sans surprise, sauf l'Aude, qui jusqu'ici semblait épargnée par le phénomène. La faiblesse structurelle de la droite dans ce département est vraisemblablement liée à cette poussée. Pour le reste, Marine Le Pen retrouve ici l'électorat classique de l'extrême-droite existant au moins depuis la présidentielle de 1965.
Du Sud-Est, le FN essaime dans une partie du Sud-Ouest. Sa principale tête de pont est le Tarn (42 % des seconds tours), où subsistent quelques poches de pauvreté, notamment à Castres et dans le bassin de Carmaux. Il s'implante ensuite relativement bien dans la vallée de la Garonne, où il avait percé dans les années 80-90, jusque dans le Périgord.
Si le Massif Central reste indifférent au phénomène, sauf sur ses marges orientales, le Limousin semble aussi peu réceptif, à l'exception notable de la Haute-Vienne (22 % de seconds tours). Mais, dans ce département, sur 42 cantons, 17 recouvrent l'agglomération de Limoges, d'où un certain effet-loupe.
L'Ouest reste encore peu concerné, sauf, de façon marginale, dans la plupart des départements détenus par la droite. A l'exception de la Mayenne et de la Basse-Normandie, qui conservent leur identité modérée.
Quant à la Corse, elle continue d'ignorer superbement la famille Le Pen.
Emmanuel SAINT-BONNET

2 commentaires:

Benoit a dit…

Bonjour,
Pour les 42% dans le Tarn, vous expliquez cela par les "poches de pauvreté" en particulier sur "Castres et le bassin de Carmaux".
Pour information, ces deux villes et les cantons qui les représentent et "encerclent" ne sont pas concernées par les élections cantonales de 2011.
Votre explication amène donc quelques doutes...
Merci pour cette carte très intéressante.

Emmanuel Saint-Bonnet a dit…

Effectivement Benoît, après vérification, ces cantons ne sont pas concernés, ça m'apprendra à interpréter avant de vérifier.