
Durant tout l'été, les Artisans-Politologues publient une série de posts sur le projet de redécoupage électoral, département par département
Pour des raisons démographiques, l'Allier, qui comptait quatre circonscriptions depuis 1958, en perd une lors de ce redécoupage. L'opposition conteste fortement ces coups de ciseaux d'Alain Marleix, auxquels la commission consultative ne trouve rien à redire, et qui va consister en un recentrage géographique autour des trois grandes villes du département.
1ere circonscription (Moulins)
L'ancienne 1ere circonscription englobait la préfecture Moulins et le Nord-Est du département. La nouvelle devrait en reprendre la majorité des cantons, ainsi qu'une grande partie de ceux de l'ancienne 3e circonscription, qui était la plus rurale des quatre. Les anciennes 1ere et 3e avaient la particularité d'être repassées à droite en 2002, avant de basculer à nouveau à gauche lors des législatives de 2007.
Sur la carte ci-dessus, la droite part avec un avantage. Sur les 13 cantons de cette nouvelle circonscription, huit penchent vers elles (en bleu clair), dont les deux de Moulins, celui d'Yzeure restant plutôt attaché à la gauche (en orange). De plus, tous les cantons écartés penchent au minimum à gauche.
Cependant, ce genre de carte, qui s'appuit sur les résultats des cantonales entre 1958 et 2008, doit être lu avec moult précautions concernant un département qui zappe régulièrement entre communistes et modérés depuis 1979.
Ainsi, si le canton de Chevagnes est indiqué favorable à la droite, c'est celui qui a fait basculer le conseil général à quelques semaines des cantonales de 2008, en élisant un conseiller communiste. Même chose pour celui de Souvigny, fief de droite depuis 1967 mais représenté par le PCF depuis 1998.
De plus, le secteur est réputé pour élire des députés avec une majorité étriquée au second tour. Dans la 1ere, Pierre-André Périssol (RPR puis UMP) a obtenu 50,73 et 50,12 % des suffrages exprimés en 1993 et 2002. Dans la 3e, le divers droite Yves Simon a rassemblé 50,72 % en 2002, et le socialiste Jean Mallot 50,80 en 2007.
L'élection de 2012 se jouera vraisemblablement sur des questions de personnalité. Le PS choisira-t-il son étoile montante Jean Mallot ou jouera-t-il la sécurité avec Guy Chambefort, plus ancien mais réputé imbattable? L'UMP investira-t-elle Yves Simon, un homme relativement neuf mais fragilisé, ou fera-t-elle confiance au maire de Moulins Pierre-André Périssol pour un troisième retour espéré comme gagnant?
A l'heure où nous écrivons ces lignes, toutes les hypothèse peuvent être envisagées, de l'émergence de nouvelles candidatures à une foire d'empoigne qui laissera des traces. Les rapports de force qui surgiront des urnes lors des régionales de 2010 et des cantonales de 2011 seront sans doute déterminants.
2e circonscription (Montluçon)
En lui accolant les quatre cantons de l'Ouest de l'ancienne 3e circonscription, Alain Marleix a sans doute voulu rééquilibrer à droite la 2e, qui n'élit que des députés de gauche depuis 1997. Le bassin de Montluçon, gros réservoir de votes communistes, sera ainsi contrebalancé par un électorat rural, dont celui du canton de Cérilly. S'il est classé relativement à gauche, c'est tout de même le fief incontesté de l'UMP Gérard Dériot, président du conseil général de 1992 à 1998, puis de 2001 à 2008. Un apport qui pourrait faire l'affaire de Daniel Dugléry, maire UMP de Montluçon depuis 2001, qui n'a encore jamais réussi à se faire élire dans cette circonscription.
A gauche, tout dépendra des rapports de force entre le PS et le PCF. Si ce dernier a repris le conseil général en 2008, il s'est fait souffler, un an auparavant, cette circonscription par le socialiste Daniel Lesterlin.
Sur le papier, la gauche part avec un avantage évident. Le secteur compte huit cantons traditionnellement de gauche contre trois de droite. Cependant cette dernière a beaucoup progressé depuis 2001, année où elle a privé le PCF et le PS d'importants points d'appui, municipal à Montluçon et cantonal à Commentry.
3e circonscription (Vichy)
L'ancienne 4e circonscription gagne ici trois cantons, tous de tradition de gauche, dont Jaligny-sur-Besbre, qui n'a élu que des socialistes depuis 1958 (en rouge sur la carte). Ce qui pourrait déséquilibrer définitivement ce secteur plutôt modéré, qui envoie depuis 1997 à l'Assemblée le radical de gauche Gérard Charasse.
Car si l'ancienne 4e vote à droite lors des consultations nationales (56,01 % pour Jacques Chirac au second tour de la présidentielle de 1995, 55,25 % pour Nicolas Sarkozy en 2007), elle choisit la gauche lors des législatives. Claude Malhuret, le brillant maire UDF puis UMP de Vichy, n'a jamais pu s'imposer hors de sa ville, dans ces campagnes où les communistes sont moins puissants qu'ailleurs dans le département. La tradition radicale demeure vivace dans certains cantons: Le Donjon de 1982 à 2008, Lapalisse depuis 2001, Cusset-Sud depuis 1998.
Face à Gérard Charasse, l'UMP pourrait être tentée de provoquer un duel entre radicaux, en investissant le très médiatique avocat valoisien Gilbert Collard, candidat aux municipales depuis 2001 contre... Claude Malhuret. Ce qui, inévitablement, laissera des traces...
A quoi faut-il s'attendre...
La seule certitude... c'est qu'il n'y en a aucune... La géopolitique de l'Allier se trouvant en pleins bouleversements (deux changements de majorité au conseil général en dix ans, des législatives de 2007 à rebours du contexte national), le redécoupage Marleix pourrait accentuer ceux-ci comme il pourrait stabiliser les fronts. S'il est trop tôt pour faire des pronostics le Big Bang attendu dans la 1ere circonscription, la gauche part globalement avec un léger avantage dans la 2e et semble plus sûre dans la 3e.
Emmanuel SAINT-BONNET