jeudi 5 janvier 2012

Ron Paul et les déçus d'Obama

Globalement conservateur et encore assez rural, l'Iowa donne traditionnellement le coup d'envoi des primaires à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle aux Etats-Unis. Dans cet Etat du Middle West, le modéré Mitt Romney l'a emporté mercredi 4 janvier de 8 voix devant le fondamentalisme chrétien Rick Santorum, le troisième homme, Ron Paul, plutôt proche des contestataires du Tea Party.
Toujours très férus de géographie électorale, les média américains ont poussé assez loin l'analyse en ce sens, témoin l'exemple du New York Times: http://elections.nytimes.com/2012/primaries/states/iowa.
Nous avons reproduit ci-dessus la carte qu'il vient de publier. Au dessus figure celle des résultats de la présidentielle de 2008, issue du site WordElections (http://uselectionatlas.org/RESULTS/state.php?year=2008&fips=19&f=0&off=0&elect=0).
Avant d'effectuer toute comparaison, rappelons tout de même que les deux électorats diffèrent radicalement. En 2008, tous les électeurs étaient appelés aux urnes, en 2012 seuls ceux inscrits comme républicains ont eu le droit de voter. En 2008, on a enregistré 1 537 123 suffrages, en 2012 seulement 122 255.
Cette précision faite, en ajoutant que ni la question ni l'enjeu n'étaient les mêmes, il est tout de même possible de dégager certaines tendances.
Tout d'abord, Mitt Romney arrive en tête dans les plus grands centres urbains. C'est d'ailleurs ce qui lui garantit sa légère avance, Rick Santorum ayant remporté davantage de comtés que lui. Romney obtient 34 % des exprimés dans le comté de Johnson, qui abrite la ville de Davenport, 29 % dans celui de Linn (Cedar Rapids), et 28 % à Polk (Des Moines).
L'urbanisation de l'Iowa concerne surtout l'est de l'Etat, davantage proche de la région des Grands Lacs. C'est la zone de force des démocrates, comme le démontrent les cartes des présidentielles 2008 et 2004 visibles sur WorldElection. La géographie électorale de Mitt Romney est d'ailleurs plus proche de celle de John Kerry, ce qui tend à prouver que ses partisans sont plus nombreux en zone démocrate, ou chez les républicains davantage enclins à voter démocrate à la présidentielle.
Sans surprise, la géographie des votes Santorum recouvre les parties les plus rurales de l'Etat, dans les trois quarts ouest. Elle correspond à peu près à celle de George Bush en 2004, mais coïncide aussi, dans la partie centrale et nord, aux votes Obama en 2008.
Mais le chaînon manquant entre 2004 et 2008, c'est Ron Paul. Le troisième homme l'emporte dans l'est rural et le nord-est, qui a également voté Obama en 2008.
Toutes proportions gardées, on peut y voir certains ressorts de la victoire de Barack Obama. Pour Sylvain Cypel, correspondant du Monde aux Etats-Unis, Ron Paul est le candidat "le plus antisystème" (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/04/le-vainqueur-c-est-rick-santorum_1625418_3222.html). S'il maintient ce niveau dans la course à la présidentielle, sa géographie électorale sera la plus intéressante à observer. Il pourrait rassembler, chez les républicains, les électeurs les plus fragiles, anciens déçus de George Bush, aujoud'hui déçus de Barack Obama. Ceux qui ont contribué à faire la différence en 2008.
Il est bien entendu encore trop tôt pour définir des tendances. Ne serait-ce que parce qu'en 2008, le vainqueur de la primaire s'appelait Mike Huckabee, qui rassemblait un électorat davantage rural que Mitt Romney.
Mais, à l'instar de la présidentielle française, la ligne de fracture de ces primaires pourrait passer entre candidats antisystèmes et candidats intégrés. Celui qui saura faire la synthèse pourrait émerger et l'emporter.
Emmanuel SAINT-BONNET